"The Portrait Monument" : la sculpture féministe reléguée aux sous-sols du Capitole

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Cette œuvre d’Adelaide Johnson devait célébrer la victoire du droit de vote des femmes. Jugée trop audacieuse, elle sera mise au placard pendant plus de 70 ans avant de retrouver enfin sa place sous la coupole !

15 février 1921, Washington. Dans la rotonde du Capitole, cet immense bâtiment d’allure classique qui abrite le Congrès des États-Unis, se tient un événement historique. On s'apprête à dévoiler une nouvelle sculpture qui célèbre le mouvement des droits des femmes. En particulier le droit de vote, adopté par le Congrès quelques mois auparavant.

Des dizaines d’associations féministes sont présentes pour ce grand moment, aux côtés de membres du Congrès. Mais les réjouissances vont être de courte durée…

Inauguration de l'œuvre d'Adelaide Johnson connue sous le nom de The Portrait Monument au Capitole en présence d'associations féministes, 1921. Photo : Harris & Ewing, Library of Congress

L’artiste, Adelaide Johnson, a répondu à la commande du National Women’s Party (Parti National des Femmes) en représentant trois pionnières de la lutte pour le suffrage féminin : Susan B. Anthony, Elizabeth Cady Stanton et Lucretia Mott.

Dans ce colossal bloc de marbre qu’elle est elle-même allée chercher en Italie, Johnson a laissé intacte une partie derrière les bustes des trois militantes. Pour suggérer que le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes est loin d’être terminé.

De gauche à droite : Elizabeth Cady Stanton, Lucretia Mott et Susan B. Anthony. Adelaide Johnson, The Portrait Monument (détail), 1921. Photo : DawesDigital, CC0

Très vite, les critiques fusent : l’œuvre est perçue comme "incomplète", elle n’est pas au goût de certains… Et que dire de certaines phrases gravées dessus, comme "Aux hommes, leurs droits et rien de plus ; aux femmes, leurs droits et rien de moins" ? Ne serait-ce pas une provocation ?

Dès le lendemain de la cérémonie, la sculpture est remisée dans la crypte du Capitole, entre les balais et les serpillières. Quant à l’inscription jugée trop subversive, elle est tout bonnement effacée !

L'œuvre dans la crypte du Capitole, en 1965. Photo : Architect of the Capitol, Library of Congress

Pendant les décennies suivantes, le Congrès rejette plusieurs demandes pour faire revenir l’œuvre à son emplacement initial. Dans les années 1960, la crypte cesse de servir de débarras et s’ouvre aux visiteurs. Mais ces derniers ne risquent pas de comprendre la signification de la sculpture de Johnson, car aucune plaque n’en mentionne le titre ni l’artiste

Portrait d'Adelaide Johnson (détail). Photo : Architect of the Capitol

C’est finalement en 1997, après une lutte politique acharnée, une levée de fonds de 75 000 dollars pour couvrir les frais de manutention et encore de nombreux obstacles surmontés, que la monumentale sculpture retrouve enfin sa place, sous la vénérable coupole. Où l'on espère qu'elle restera désormais tranquille...

Rotonde du Capitole. Photo : ctj71081, CC BY 2.0

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