Cerveau et langage : l'étrange cas de Monsieur Tan

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Après la mort d'un patient qui ne pouvait plus prononcer qu'une seule syllabe, le docteur Paul Broca identifie pour la première fois le rôle du cerveau dans le langage, une découverte majeure pour les neurosciences.

1861, Paris. Louis Victor Leborgne, plus connu sous le nom de "Tan", vient de décéder. Cela faisait 21 ans que l’homme séjournait à l’hospice. Il y était entré pour quelques jours d’observation à cause de fortes migraines et n’en était jamais ressorti. Pourquoi ? Parce qu’il avait, du jour au lendemain, perdu l’usage de la parole !

"Il ne pouvait prononcer qu'une seule syllabe, qu'il répétait ordinairement deux fois de suite. Quelle que fût la question qu'on lui adressât, il répondait toujours "Tan, tan", en y joignant des gestes expressifs très variés. C'est pourquoi dans tout l'hospice, il n'était connu que sous le nom de Monsieur Tan", écrit son médecin, Paul Broca.

Illustration : Aurora Muggianu pour Artips

Pourtant, Louis ne souffre d'aucun retard mental : il comprend tout ce qu'on lui dit et parvient à se faire comprendre par d'autres moyens que la parole. Il souffre de ce que l’on appelle aujourd’hui une aphasie.

Pour lever le mystère, Paul Broca décide d’autopsier le cerveau de son patient. Et ça paie, puisqu'il y découvre une importante lésion dans le cortex frontal inférieur gauche. Pour le médecin, pas de doute : "Nous parlons avec l’hémisphère gauche". C'est la première fois qu'un lien direct est fait entre une zone du cerveau ("l'aire de Broca") et une fonction précise (le langage).

Portrait de Paul Broca par Pierre Petit. Photo : Bibliothèque nationale de France

Aujourd’hui, on sait que le langage est une fonction complexe associée à plusieurs zones du cerveau : une région en charge de la réception et de la compréhension du langage (l'aire de Wernicke et le lobe pariétal inférieur) et une région responsable de l’utilisation et de la compréhension des formes grammaticales (l’aire de Broca et l’opercule rolandique).

Des zones de l’hémisphère droit gèrent également l’aspect émotionnel du discours (langage non verbal, humour, jeux de mots, métaphores…).

Illustration : Artips

Notre Monsieur Tan, quant à lui, aurait possiblement perdu le langage à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Et sa célèbre syllabe "tan" serait, elle, un souvenir des tanneries (moulins à tan) de son village d’enfance…

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